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24 février 2015 2 24 /02 /février /2015 08:53

Etrange texte que celui-ci. Celui d'un homme qui se débat. Entre le chômage annoncé, puis installé, un passé qui ne passe pas, un présent cotonneux, et ce qui viendra, ou pas.

Une vie banale, des malheurs banals: une mère" qui n'a jamais eu de temps pour (lui)", même pas de lui dire le nom de son père, puisque "c'était moi sa faute, en réalité". Une femme qui ne parlait que par formules toutes faites et désespérantes : "il te faudra bouffer de la vache enragée", "cette chienne de vie", "pas folle la guêpe", "panier percé"... Moyennant quoi, marchant dans Paris d'un pas désoccupé, il réalise qu'il est toujours celui qui, petit, "avait déjà vécu des jours de peine".

Il en avait encore à vivre; cette impossibilité de concevoir un enfant qui fait fuir son épouse. L'angoisse de n'avoir servi à rien. Les années enfuies.

"J'ai promené un enfant mort dans les rues, le dimanche".

Beaucoup de rues dans ce roman: un itinéraire à la Modiano, des places, des squares, des stations de métro, et la banlieue, Asnières, Argenteuil, Courbevoie. Et les bars, celui d'autrefois où il aperçut sa mère accompagnée ( le père?), celui d'aujourd'hui où s'installe quelque chose de l'ordre de la solidarité, de l"amitié, peut-être plus.

Tout est possible sur ces trottoirs, même retrouver une amoureuse d'avant, et relier la vie de maintenant avec la vie photographiée passionnément, à l'époque des espoirs et des projets.

Ces photos volées à l'oubli qui vont donner à sa vie un autre départ, aider à une rencontre peut-être vitale au milieu de tous ces contacts d'occasion, parfois décevants mais aussi bien chaleureux. Et, de toute façon, "les autres, on n'arrive pas à s'en passer".

Peut-être que son invisible chemin de croix et de solitude va finir là où le hasard a placé une avocate de ces causes infimes que sont les indemnités de chômage, à négocier au mieux. Les photos comme trait d'union, comme langage à partager, comme capital d'estime de soi.

Car ce héros de notre temps difficile n'est pas un désespéré, ni non plus dans l'à quoi bon. Il trace sa route dans une douceur obstinée, désillusionnée, lucide, éprise de la beauté du monde.

Comme le langage de Dominique Fabre, terriblement précis dans ce qu'il nous fait voir de l'épaisseur du monde réel. Un grand bonheur de lecture.

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