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28 avril 2016 4 28 /04 /avril /2016 06:53

Quatuor, roman de Anna Enquist, Acte Sud, 2016

« Maintenant qu’il est arrivé à un âge avancé, il se réveille tôt. Trop tôt. Il regarde le jour pâle à travers la fenêtre du jardin(…) Les herbes hautes ont envahi le jardinet. Foisonnement. Tiges qui s’étirent. Il ne s’en est jamais vraiment préoccupé. A présent, il éprouve une vague inquiétude à la vue de cet océan végétal. Les voisins. Personne ne lui a encore fait de reproches, mais ce n’est qu’une question de temps. »

L’incipit du roman donne le ton : toute vie humaine se déroule sous la menace.

Menace de la déchéance, de la maladie, du deuil, des autres: un chauffeur de bus imprudent, des administrations aveugles ou indifférentes, un monstre criminel produit d'un monde sans pitié.

Le vieil homme du début fut un violoncelliste adulé. Il n'a plus qu'une élève, et vit dans la hantise de l'intrusion des services sociaux. Pourtant, la première intrusion, radieuse et bénéfique, sera celle d'un jeune garçon qui veut juste l'aider, et surtout l'écouter jouer. Fausse embellie, comme une ruse avant l'assaut de l'ennemi.

Les membres du quatuor, musiciens émérites mais non professionnels, puisent dans leurs rencontres , et avec Bach, Mozart, Dvorak, Schubert, une possibilité d'exister malgré tout. Car la vie courante ne les épargne pas, à des degrés divers:

"Ils commencent avec le Quatuor en ré mineur de Mozart, à titre d'échauffement, mais surtout pour Laura qui les écoute dans son petit lit. Jochem s'aperçoit qu'il a enfin trouvé le calme, pour la première fois aujourd'hui. Il est en mesure d'apprécier le son chaud qu'il réussit à tirer de l'alto, exactement comme il se le représentait.(...) Pile synchro avec Jochem et pas de décalage en posant le tempo, se félicite Heleen. Quel morceau magnifique, vraiment, ce début mystérieux avec son saut d'octave descendant, répété à la cinquième mesure (...) Et le violoncelle, qui résonne d'abord dans les graves, mais qui rallie ensuite avec passion les voix intermédiaires. Que quelqu'un ait pu inventer ça, c'est miraculeux."

Ils étaient tous en train de redevenir un peu heureux, de goûter les plaisirs simples de l'amitié, des bonnes choses à déguster, de l'air frais sur les canaux. Un peu comme les personnages du roman Carus de Pascal Quignard (Gallimard, 1979) qui délivrent leur ami d'une grave dépression, à force de musique jouée ensemble, de bonnes nourritures partagées.

Mais Heleen, visiteuse des prisons, a noué une relation épistolaire imprudente avec l'ennemi public no1 en instance de transfert, et dont parlent tous les médias. Persuadée que la musique peut élever l'homme au-dessus de lui-même, elle en a trop dit sur le lieu de leurs répétitions et lui a ouvert une porte vers la violence et le crime. Elle croyait partager des émotions, le prisonnier a entendu des informations et organisé une prise d'otages.

Dans la légende germanique du Joueur de flûte de Hamelin, le son du violon emmène à la mort toute une bande d'enfants, noyés dans la Weser.

La musique de Mozart a attiré le criminel Helleberg vers la barge où jouent les quatre amis, où dort Laura.

La police finit par arriver, et fera exploser la barge.

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