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30 juin 2015 2 30 /06 /juin /2015 16:40

House of cards - Série initiée par Beau Willimon- Sur H.B.O - d’après le roman de Michael Dobbs et la série homonyme anglaise

C’était il y a longtemps : on regardait Dallas partagés entre l’incrédulité amusée devant ce succès planétaire, et une sorte d’admiration. Le message était clair : les riches, les très riches, sont à plaindre, il ne leur arrive que des misères.

Il y avait aussi, mais les moins de vingt ans ne peuvent pas savoir, les séries de familles modèles, avec rires enregistrés et morale convenue. Et puis les soap operas, dont les fidèles sont ironiquement épinglés dans Journal Intime (1993) de Nanni Moretti : croisant des étrangers qui bénéficient d’une diffusion plus avancée, ils s’enquièrent des héros d’Amour, Gloire et Beauté.

La préhistoire.

Voici de nouvelles séries venues d’ailleurs, passionnantes, évoluant dans une sorte d’empire du mal, de la transgression, de la violence.

Celle des Sopranos réussit ce tour de force de rendre attachante une « famille » de mafiosi du New Jersey, redoutables, cruels, amoraux, plus déglingués les uns que les autres.

Dans un registre différent, la première « saison » (terme devenu incontournable pour désigner les étapes de ces productions) de True Detective a créé une véritable addiction pour deux personnages atypiques de policiers du Sud profond et leur traque d’un assassin psychopathe. Ici, force reste à la loi.

Quant à House of cards , qui dissèque les mécanismes des lieux de pouvoir étatsuniens, elle serait la série préférée de Barack Obama, ce qui nous met en bonne compagnie.

Attraction-répulsion, pour cette chronique minutieuse d’un monde où dominent, et gagnent, l’hypocrisie, le mensonge, les chantages, les manipulations, et, pour faire bonne mesure, l’assassinat.

Mais voilà : le scénario est tiré au cordeau, pas de temps mort, des personnages parfaitement dessinés, des acteurs remarquables. Une vraisemblance soignée, avec juste le petit écart nécessaire pour que l’on sache que c’est…du cinéma, et qu’on est au spectacle. Mais quand même…

Les scénaristes ont épinglé ce qu’il y a d’abîmé dans une démocratie bafouée par l’argent-roi, l’égoïsme des « élites », la dénaturation du sentiment religieux, un culte dévoyé de la transparence, la tyrannie du comme il faut.

Le couple–héros, dans sa course irrésistible à la Présidence, détruit sur son passage les gêneurs, les acolytes provisoires, et manipule les autres. Une mécanique diabolique à la façon d’un inexorable jeu d’échecs. Pas le moindre investissement libidinal qui pourrait enrayer l’engrenage.

En contre-champ les protagonistes qui font preuve de courage, d’amour vrai, sont les vaincus de l’affaire.

La série n’est pas terminée, mais pour le moment, les méchants font la loi.

Un parfum d’Amérique plutôt rude, dans les trois cas. Une catharsis ?

Une fascination morbide pour un univers de semi-fiction, impudent et séduisant ?

Les réalisateurs de House of cards ne se contentent pas de faire du spectacle avec l’immoralité des Grands. Ils suggèrent quels risques encourt ainsi la démocratie. Les projecteurs sont braqués sur les comportements individuels, ce qui est un parti pris relativement exotique pour des Européens habitués à des visions plus collectives de comportements politiques, dans les films sérieux du moins.

N’y aurait-il pas aussi « l’effet Dallas » ? Vous, spectateurs, vous ne disposez pas de cette puissance mortifère, vous n’avez pas cette capacité de maîtrise des événements, mais n’êtes- vous pas plus… tranquilles ?

Tranquilles et ravis devant un récit filmé à un train d’enfer avec des ellipses, des allusions, des regards, qui mettent le spectateur dans une totale complicité. Et un générique de toute beauté.

C’est un grand plaisir d’identification distanciée. Nous n’avons pas fini d’aimer découvrir l’Amérique.

P.S : un texte étonnant de Proudhon, dans La guerre et la Paix (1860) analyse subtilement la spécificité des Etats-Unis un an avant la guerre de Sécession.

voir merlerene.canalblog.com 21 juin 2015

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